Je viens de découvrir ce nouvel acronyme MOOC, pas encore francisé, qui figure à la Une de nombreux blogues et autres sites s’intéressant à l’éducation et à la formation. Pour mieux définir cette nouvelle façon de se former il faut aller voir les initiateurs américains et les initiatives francophones. On peut alors essayer de discerner les points forts et les faiblesses de ce nouveau concept.
Essai de définition
À la lecture des différentes définitions proposées, j’ai retenu que les MOOCs proposent un enseignement à distance impliquant un nombre énorme de participants, on parle de 100 000, utilisant des formes coopératives autour de communautés d’entraide.
Contrairement aux plateformes web d’autoformation du type Duolingo ou KahnAcademy, où chacun peut picorer comme bon lui semble, le MOOC propose un cadre temporel. L’étudiant s’inscrit à une session à une date donnée et pour une durée fixée à l’avance. Le plus souvent, cette formation se termine par une « certification »
Par contre ,on y retrouve l’aspect collaboratif dont j’avais eu l’occasion de vous parler dans mon article sur Duolingo. Ainsi, Daphné Koller, de COURSERA, explique que le temps moyen d’attente pour une réponse à une question est de 20 minutes et ceci quelque que soit l’heure. Une performance impossible à obtenir dans un modèle traditionnel. On se forme donc aussi au contact de ses pairs. C’est d’ailleurs le concept mis en avant par la Peer to Peer university (P2PU)
Les cours sont la plupart de temps gratuits (Open), même si le certificat final peut être lui payant.
Leurs promoteurs mettent aussi en avant une boite à outils plus riche que le simple site web avec des devoirs à rendre, du travail de groupe, des forums d’entraide dédiés.
Le public visé présente des caractéristiques évidentes : une grande autonomie, la capacité filtrer parmi la multitude d’informations proposées, une bonne connaissance des outils numériques afin de pouvoir communiquer et utiliser au mieux.Mais avant tout c’est surtout une grosse, grosse motivation. Le mot anglais « engagment » revient en boucle dans tous les sites de MOOC. Si vous vous mettez au fond de la classe à côté du radiateur, personne ne viendra vous réveiller 😉
J’ai trouvé une ébauche de catalogue, mais pour comprendre le principe le mieux est d’aller visiter les trois sites phares.
Les leaders américains
Les trois qui font référence, sont des émanations de grandes universités américaines :
COURSERA : Entreprise créée par les professeurs Andrew Ng et Daphne Koller (cf video ci-dessous) de l’université Stanford. Au moment où j’écris ces lignes, le compteur de la page d’accueil revendique plus de 3 millions de « courserians ». Ils sont partenaires de plusieurs dizaines d’universités de langue anglaise et de deux francophones : l’école polytechnique de Lausane et l’école polytechnique française.
Points clefs : Système sophistiqué de quiz, courtes vidéos interactives, corrections par des pairs, Devoirs, Instructeurs multiples, interactions sociales en ligne et dans le « vrai » monde
UDACITY :Moins de cours (22) dont beaucoup de cours d’informatique donnés par des célébrités comme Sebastian Thrun directeur de recherche chez Google (le père de la voiture sans pilote) ou Peter Norvig le créateur de Reddit
Points clefs : Quiz, courtes vidéos , exemple concret de réalisation « learn by doing », Devoirs, interactions sociales.
eDx : Directement lié au MIT, crée par un des ses professeurs Anant Agarwal, propose une trentaine de cours aux aussi très technologiques, mais avec quelques perles comme un cours sur les héros grecs.
Points clefs : Quiz, logiciels de simulation , Devoirs, examens
Les initiatives francophones et européennes
Nous avons déjà les deux écoles polytechniques suisse et française qui participent à COURSERA avec des cours en français.
Pour poursuivre avec du contenu francophone, nous avons un premier MOOC breton qui s’est terminé en décembre 2012 son titre ITYPA acronyme pour « Internet, tout y est pour apprendre » . Pas de grandes universités, mais des personnes (1500 inscrits, 150 participants) de différents horizons, désireuses de tester le concept de MOOC en l’appliquant à lui même. Les comptes rendus des participants sont très intéressant : 1 , 2 , 3
Poursuivons avec des MOOC plus classiques au sens ou ils ressemblent plus dans le contenu et la forme aux modèles américains
- Gestion de projet : adossé à l’école centrale de Lille ce MOOC animé par Remi Bachelet est actuellement en cours avec 3600 participants et donne lieu à une certification. Pour en savoir plus la vidéo de présentation.
http://youtu.be/GLXMoDwDRUQ - HEC Montréal qui lance une plateforme EduLib qui propose 3 formations en lignes dont la dernière Problèmes et politiques économiques : les outils essentiels d’analyse commence au printemps 2013
- La Sorbonne qui propose le « premier MOOC francophone de droit » à partir de septembre 2013
- Un autre MOOC breton qui commence au début avril : « Introduction aux réseaux cellulaires ». Organisé par un groupe d’enseignants de l’institut Mines-Télécom.
Pour terminer, passons à l’échelon européen avec ERASMUS. Adam Tyson, responsable d’ Erasmus auprès de la Commission européenne a déclaré: «Nous souhaitons mettre en libre accès (open source) l’ensemble des cours liés à ERASMUS ». Erasmus prévoit de travailler avec les meilleures universités européennes au développement d’un portail pour MOOC.
Des perspectives enthousiasmantes
Lorsque les universités se sont créées, les livres étaient rares. Il était donc pertinent de se réunir pour écouter un professeur faire la lecture. Si le savoir transmissible est désormais disponible sur la toile, pourquoi se déplacer sur le campus pour suivre un cours ?
Le guide du MOOC liste les bénéfices de cette nouvelle forme d’enseignement. J’en retiens principalement trois :
- L’apprentissage se fait dans un cadre plus informel, sans contraintes de lieu et avec des contraintes horaires plus souples qu’un enseignement traditionnel.
- Vous n’avez pas besoin d’un diplôme pour suivre le cours, seule compte la volonté d’apprendre
- Vous pourrez améliorer vos compétences d’apprentissage, car participer à un MOOC vous oblige à réfléchir à vos propres méthodes d’acquisition des connaissances.
Comme tout outil, il faut aussi évoquer, les risques et les difficultés liés à son usage.
Quels sont les défis à relever
En raison de sa nature même, on peut penser à des défis pratiques :
- Une bonne maîtrise des outils numériques est un prérequis incontournable
- L’aspect communautaire peut donner une impression de confusion et donner des déroulements différents d’une session à l’autre.
- Le participant doit faire preuve d’une grande autonomie et être capable de gérer ses propres objectifs
- Les formateurs doivent adapter leur enseignement aux nouvelles contraintes liées aux supports et aux nombres de participants.
Au-delà de ces premières contraintes et outre l’éternelle faute originelle pour des Français de nous venir des états unis;-), beaucoup de commentateurs y voit une entreprise commerciale cachée.
Une entreprise lucrative
Ainsi dans le très complet article Gober les MOOCS, les auteurs nous présentent Coursera comme une future multinationale tentaculaire vivant en parasite des Universités et des enseignants.
Nous ne devons pas oublier ce que, l’accès pour tous ou presque à une éducation de qualité doit au rôle de l’état et de nos impôts bien utilisés. Mais le MOOC n’est qu’un outil, pas un modèle de société. Si nos organismes officiels dédiés à l’éducation s’en saisissent, nous y gagnerons tous. Je pense tout particulièrement à une institution aussi vénérable que le CNED, qui a récemment fait l’objet de critiques acerbes pour son immobilisme par rapport au défi d’Internet
Pas de diplôme ni de cursus
D’autres critiques portent sur la disparition des cursus et des diplômes. Pourquoi, ne considérer, que les seules les personnes désireuses d’obtenir un diplôme reconnu par l’état ou de s’inscrire dans une filière longue ? Je laisserai les exemples souvent cités des adultes qui n’ont pas dans leur pays accès à un système d’enseignement facilement. Restons plus près de chez nous en occident avec nos populations vieillissantes (57 % des internautes français ont plus de 35 ans IPSOS 2011). Lorsque justement, on a pu acquérir dans son jeune âge des bonnes fondations, il est tentant, à 40, 70 ou même plus, de retourner sur les « bancs » de l’école. À cet âge-là, ce n’est pas obligatoirement pour repartir dans un long cursus sanctionné par un diplôme. Ce nouvel étudiant peut souhaiter approfondir, mettre à jour ses connaissances professionnelles ou au contraire s’ouvrir à des sujets dont son activité professionnelle l’aura tenu éloigné
Des résultats médiocres ?
Un article du New York Times nous apporte quelques lumières sur le sujet :
Avec 20 % des étudiants qui finissent, un cours en ligne est considéré comme un succès fou. Des résultats de 10 % et moins sont plus standard. Il semblerait que les MOOCS sont pour l’instant plus un loisir qu’une solution de rechange viable à l’enseignement traditionnel en classe.
Toutefois si le nombre initial d’inscrit était comme dans les expériences de COURSERA de 100 000, le résultat de 10 % reste enviable.
Duolingo, le site web gratuit d’apprentissage des langues que j’ai déjà eu l’occasion de vous présenter, n’est pas à proprement parlé un MOOC mais offre grâce à sa réussite des chiffres intéressants. Le système a approximativement 1 million d’utilisateurs enregistrés et voit environ 100 000 personnes l’utiliser quotidiennement.
75 % des élèves sont à l’extérieur des États-Unis, et son fondateur Luis von Ahn note que les étudiants étrangers sont beaucoup plus motivés et ont un taux de réussite plus élevé que leurs homologues américains. Pour connaître l’efficacité de son site, l’inventeur des CAPTCHAS a commandé une étude, dont il ressort qu’une personne normale utilisant Duolingo pour apprendre l’espagnol mettra 34 heures pour acquérir le niveau équivalant à un semestre d’apprentissage en collège. Avec un logiciel classique Rosetta stone, il lui faudra 55 à 60 heures. von Ahn estime à 135 heures le temps nécessaire pour le même apprentissage au sein de son Université Carnegie Mellon.
Un laboratoire pédagogique géant
L’essor des MOOCs, doit avoir des répercussions positives sur notre connaissance de l’apprentissage. Avec des échantillons aussi importants et aussi variés, les professionnels de la pédagogie devraient pouvoir faire de grand progrès.
Daphné Koller (8’20’’ dans le vidéo ci-dessous) explique que le recours à l’informatique offre l’accès à des statistiques très pointues sur les usages et les comportements des apprenants. Des boucles de rétroactions vertueuses se mettent en place. Des points faibles de la formation ayant provoqué des difficultés chez les participants sont ainsi rapidement mis en évidence et corrigés.
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Je pense même à des interactions avec le domaine de la neuroéducation. Ce domaine où convergent les découvertes de neurosciences et les savoirs pédagogiques classiques trouvera dans les MOOCS une grande population de testeurs volontaires.
C’est aussi l’occasion de relire les grand anciens comme le propose Olivier Toutain en citant Jean Piaget
Il ne me reste plus qu’à aller assister à l’un de ces MOOCS pour pouvoir bientôt vous faire une description de l’intérieur 😉
merci pour cet article exhaustif. Il me semble cependant au il existe plusieurs type de MOOC. j ai vu dans certains posts des xMooc et des cmooc ce qui permet de mieux classer toutes les offres.
En effet, l’un des participants, que je cite, du MOOC ITYPA, fait une distinction entre les xMOOC reproduisant la structure classique d’un cours et le cMOOC qui se veulent plus “connectiviste”.
On retrouve cette terminologie dans la page du wikipedia fraçais.
Je suis trop novice sur le sujet pour savoir si cette classification apporte un plus pour bien comprendre les MOOC,mais je note que même Daphné KOLLER de Coursera (classé xMOOC) met en avant les outils sociaux et de partage (ce qui est du cMOOC)
Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse … de connaissances
J’ai suivi de nombreux MOOCS depuis environ 1 an. C’est vraiment bien d’avoir accès à des informations de qualité. Les professeurs sont bénévoles, et donc tous des passionnés, ce qui change radicalement par rapport à ce que l’on trouve dans une université classique. Les cours que j’ai préféré étaient ceux sur la nutrition car l’information est d’une source de confiance, ce qui est rare sur Internet.
A noter qu’il y a aussi des cours sur Standford, Google et NovoEd.